Guinée : ce que la classe politique devrait faire à présent

Le général Bouréma Condé est connu en Guinée comme le pire des anciens bourreaux et tortionnaires des membres et militants de l’opposition, notamment du RPG, sous l’administration Conté.

Alpha Condé avait promis, aux victimes de Bouréma Condé, de le traduire en justice et de le châtier après un changement de régime.

Lorsque, en février 2015, Alpha Condé qui voulait à tout prix gagner un second mandat dès le premier tour, a nommé ce Bouréma Condé Ministre de l’Administration du Territoire, nous avions prévenu l’opposition qu’elle aurait intérêt à le récuser en s’appuyant sur son passé criminel et anti-pluralisme politique en Guinée. Mais les leaders de l’opposition également issus de l’ancien régime PUP s’en félicitèrent et accueillirent Bouréma Condé comme leur interlocuteur. Depuis que ce militaire est arrivé à ce ministère,

  1. aucune élection n’a été organisée en date et dans les conditions normales,
  2. les accords ont remplacés les lois avec, malheureusement, la complicité du chef de file de l’opposition et aucun accord n’a jamais été respecté,
  3. on enregistre des recrutements d’agents de l’Etat à caractère ethnico-politiques,
  4. les agréments pour les associations et partis politiques sont attribués sélectivement et sur fond politico-ethnique. Tous ceux qui sont supposés être vrais opposants au régime ont été systématiquement bloqués, leurs dossiers remis à la présidence qui ne devrait pas se mêler de ce processus administratif.

Les élections communales ont été organisées après multiples reports, depuis les accords de juillet 2013, le 4 février 2018. Jusqu’à nos jours, les conseils communaux n’ont pas été installés même dans une grande partie du fief du RPG-arc-en-ciel, parti au pouvoir.

L’irresponsabilité et la partialité de Bouréma Condé qui ont conduit à des crises politiques de Kindia et de Matoto sont sans précédent en Guinée. C’est grâce à la passivité de la direction de l’UFDG que le pays ne s’est pas encore embrasé. Sinon, les frustrations sociales et politiques ont atteint leur point culminant en Guinée.

Ce qu'il faut faire à présent pour éviter que notre pays ne sombre dans le chaos et la violence dans un avenir proche et pour se garantir des élections transparentes et équitables dans l’avenir, comme cela se passe dans tous les pays voisins, c'est de

  1. récuser fermement Bouréma Condé comme Ministre de l'Administration et interlocuteur des partis politiques, tout comme la Cour Constitutionnelle actuelle en faveur d’une nouvelle et neutre à mettre en place dans le respect de la loi et des procédures,
  2. et exiger la mise en place de la Haute Cour de justice

avant toute nouvelle élection en Guinée, en précisant à Alpha Condé que son dernier mandat en cours ne serait prolongé d'aucune seconde. 

Le premier combat pour la démocratie, c’est d’obtenir la démission ou le renvoi des hauts responsables de l’Administration qui affichent une partialité manifeste dans la gestion des affaires publiques. Ces cadres tordus et corrompus qui rendent impossible tout changement démocratique et toute évolution positive en Guinée doivent être prioritairement combattus de manière ciblée, par toute la classe politique et les associations crédibles de la société civile. Si le chef de l'Etat résiste à ces demandes légitimes et légales des Forces Vives (Partis politiques et société civile), alors diriger la contestation contre sa personne en exigeant son départ, pour parjure et étant le véritable poison et facteur de division et de troubles sociopolitiques en Guinée.

Pour ce qui est de l'Assemblée nationale à mandat prorogé par Alpha Condé, c'est une violation manifeste du principe de séparation des pouvoirs législatif et exécutif. C'est comme si le Président de la République nommait les députés. Le chef de l'Etat a refusé d'organiser les élections législatives à l’échéance prévue par les lois du pays, afin d'en arriver à cette manœuvre calculée. La Cour Constitutionnelle qu'il a unilatéralement mise en place a validé le fait, comme il fallait s'y attendre. Beaucoup de militants et de cadres de la société civile demandent aux opposants de démissionner de cette Assemblée. Ils n'en ont pas besoin d'autant que leur mandat a expiré et ils ne sont pas à nommer par le chef de l'Etat. Une démission officiellement exprimée donnerait la possibilité au pouvoir de réaliser ses visés sordides qui consistent à se donner une majorité absolue au Parlement sans organiser des élections législatives. Pour y arriver, ils vont simplement faire siéger les suppléants à la place des députés démissionnaires. Il faut noter que le pouvoir a déjà corrompu et récupéré la plupart des suppléants des députés de l'opposition, jusqu'à celui de Ousmane Gaoual de l'UFDG. Une telle manoeuvre leur permettrait d'obtenir la majorité necessaire pour pouvoir voter des lois organiques, prolonger le mandat du président ou forcer un changement de Constitution, sous le manteau démocratique. Les députés de l'opposition doivent donc rester dans la logique de boycotter le Parlement sans officialiser leur démission. Pour ceux qui vivent de leurs traitements de député, il n'y a aucun mal à ce qu'ils aillent le récupérer à la fin du mois. Ils n'ont pas besoin de suivre l'exemple démagogique de Amadou Damaro Camara de la mouvance qui laisse expirer le mandat parlementaire sans mot et dire renoncer à ces traitements de député comme excuse. Il s'est déjà suffisamment enrichi pour d'ailleurs être capable de prendre en charge ses autres collègues qui se retrouvent dans cette situation par la faute du pouvoir qu'il incarne et représente.

Je rappelle ici qu'au cours d'une session du Parlement guinéen en 2017, Amadou Damaro Camara a exprimé le vœu que 2018 soit "une année sabbatique, c'est à dire une année de repos politique, sans élection en Guinée." Sachant bien que les législatives devraient se tenir entre septembre et décembre 2018 pour que la nouvelle assemblée entre en fonction à l'expiration de leur mandat au début 2019. Il fut d'ailleurs applaudi par tous les députés présents ce jour, de la mouvance comme de notre soi-disant opposition. C'est à se demander s'ils n'ont pas tous voulu et favorisé la situation actuelle ?

 

SADIO BARRY,


Président du Bloc pour l’Alternance en Guinée (BAG).

 

Imprimer