HOMMAGE À MAÎTRE KÈLÈFA SALL

Opinions


Maître Kèlèfa Sall décédé le samedi dernier a rejoint sa dernière demeure ce mardi 30 juillet 2019. Avec lui disparaît cette espèce d’hommes aujourd’hui rare dans notre pays: l’homme au parler vrai.

À une certaine époque Monseigneur Robert Sarah symbolisa ce parler vrai qui faisait de lui la personnalité la plus admirée et respectée du pays. Son départ pour Rome, auprès du Pape, priva les guinéens de cette voix forte qui osait dire aux maîtres du pays de l’époque ce qui n’allait pas. Sa voix était celle des sans voix, celle du peuple. Puis , ce 14 décembre 2015 les guinéens découvrent Maître Kèlèfa Sall, Président de la Cour Constitutionnelle dans un rôle inédit, celui de dire au chef ce qu’il ne faudrait pas faire. Il le fit avec courage, sans se soucier d’éventuelles conséquences pour sa carrière. Il osât tout simplement par conviction et en bon connaisseur des maux qui rongent les démocraties  naissantes dans nos pays. Prévenir n’est-il pas guérir? Avec lui les guinéens redécouvrent un autre homme au parler vrai. L’homme de droit, s’adressant au nouveau Seigneur du Pays qu’il vient d’introniser, conseille à ce dernier de se méfier des laudateurs pour mieux se protéger de l’exagération, cette maladie de la plus part des gouvernants africains. Les hommes justes, pétris de sagesse savent que  l’exagération, donc le dépassement de la limite permise, mène inéluctablement à l’ivresse. L’ivresse du pouvoir, contrairement aux autres formes d’ivresse, impacte très dangereusement sur tout un pays. Malheureusement, la suite on la connaît.  Depuis que les laudateurs ont fini par convaincre le Seigneur du Pays que dans l’exercice du pouvoir l’excès est permis, que les textes de loi peuvent servir de torchon, la Guinée est devenue une boussole dont les aiguilles s’affolent.   Pendant ce temps les matelots assurent au capitaine que le cape est tenu, alors que le navire Guinée file tout droit sur un récif.

Maître Kèlèfa Sall, Dieu  vous rappelle à lui au moment où ce pays que vous aimiez tant risque de connaître des lendemains sombres par le fait du non respect de vos conseils. Là  où vous serez vous nous regarderez embarqués dans ce bateau sans boussole abandonné dans la tempête en haute mer par nos apprentis politicards qui n’ont jamais pris une pirogue dans leur vie. Vous nous direz: j’ai dit ce qu’il fallait et fait de mon mieux pour vous éviter cette périlleuse situation. Maintenant que chacun de vous fasse ce qu’il faut pour redresser et stabiliser le navire Guinée.

Depuis que vous avez rendu l’âme vous êtes sur les lèvres de tous vos compatriotes. Chaque guinéenne et guinéen, même vos adversaires les plus résolus,  reconnaissent  aujourd’hui la justesse de vos déclarations de ce 14 décembre  2015.
Maître Kèlèfa Sall, dans les derniers moments de votre existence vous vous êtes sans doute dit que la Guinée vit aujourd’hui un autre <<temps des fripouilles>>. Votre tort, s’il y en a un, est  d’avoir eu raison trop tôt.

Vous avez légué un trésor inestimable  à la nouvelle génération de guinéens et de guinéennes: avoir la force de ses convictions et le courage de les assumer. Ils se souviendront de vous et vous rendront un jour les honneurs que vous méritez.

Vous avez choisi de rejoindre votre dernière demeure sans les hypocrites autour de vous. Encore quelle belle leçon!  Dieu lui-même ne nous met-il pas en garde contre les hypocrites?
Merci Maître.

Que Dieu vous réserve la place des justes!

AMEN !

Ansoumane CAMARA
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