APPATRIDES ET EN DANGER


Ils sont mauritaniens et noirs, loin de leur pays de naissance. Dans ce pays, être noir est loin d’être un avantage.

De loin ils mènent un combat difficile, difficile pour de nombreuses raisons dans la mesure où ils se battent déjà pour leur reconnaissance comme des citoyens mauritaniens à part entière. Ils militent dans des organisations comme Touche pas à Ma Nationalité ou IRA respectivement dirigées par Abdoul Birane Wane et Biram Dah Abeid, organisations non reconnues et considérées comme radicales par les autorités de leurs pays. Ils ont fait le serment de consacrer leur vie à lutter pour la liberté dans leur pays. Ils sont tous victimes du recensement discriminatoire et raciste que le régime d’Ould Abdel Aziz a initié en juin 2011 pour exclure une bonne partie de la population négro africaine de Mauritanie. Des dizaines de milliers de noirs sont ainsi devenus des apatrides ou étrangers dans leur propre pays où l’esclavage est encore pratiqué et où les activistes sont persécutés surtout quand ils ont la peau noire.

   
   

 

Pour ces jeunes, le combat à l’intérieur devenu très risqué, le choix qui s’offrait à eux était de poursuivre la lutte à l’étranger, dans des pays comme la France, la Belgique, les USA ou ailleurs où ils ont la possibilité de dénoncer le racisme et l’esclavagisme qui constituent les bases du système au pouvoir depuis 1960. A l’étranger ils sont aussi confrontés à une autre réalité, la reconnaissance par les pays d’accueil de la légitimité de leur combat, pays d’accueil qui les expulsent souvent avec la bénédiction de l’ambassade mauritanienne  alors que rien ne garantit leur sécurité une fois en  Mauritanie. Et pourtant, à force de manifester devant les différentes ambassades de leur pays d’origine ou devant certaines institutions internationales pour exiger le fin de l’esclavage, le jugement des officiers maures coupables de crimes à l’encontre de 509 militaires noirs entre 1990 et 1991 ou réclamer l’égalité,  ils deviennent plus reconnaissables donc plus exposés surtout quand ils dénoncent un régime policier qui ne lésine pas sur les moyens lorsqu’il s’agit de traquer des opposants, l’interview du directeur régional de la sûreté à la chaine nationale Mauritanienne en juin 2019 résume clairement la situation, n’a-t-on pas vu et entendu ce dernier formuler des menaces claires laissant entendre que même les activistes à l’étranger ne pourront pas échapper aux autorités ?

Le poids qu’ils portent est immense, sans parler de la pression qu’ils subissent, eux qui ne peuvent jamais oublier les risques auxquels leurs proches restés au pays peuvent être exposés.

Quand on demande à ces jeunes activistes le pourquoi de leur combat, ils répondent sans ambiguïté,  Thioune Kalidou  : « nous nous battons pour l’instauration d’un Etat de droit  et la Démocratie pour que les officiers génocidaires soient un jour jugés pour les crimes qu’ils ont commis », Ba Samba  : «  nous luttons pour  l’égalité et pour l’abolition réelle de l’esclavage qui fait des noirs des êtres inférieurs  », Dia Mamadou : «  Notre combat est destiné à faire de la Mauritanie un Etat où chacun sera libre de pratiquer la religion de son choix ou de ne pas pratiquer, un pays où personne ne sera inquiété pour sa religion , ses opinions ou son orientation sexuelle » et pour tout résumer Sall Mouhamedou déclare : «   nous voulons mettre fin à l’APARTHEID maure  pour qu’un jour nous puissions rentrer chez nous en citoyens libres sans avoir à nous inquiéter de l’avenir de nos enfants ».

Il est évident que la victoire n’est pas encore au rendez-vous, en attendant, ces activistes se battent pour ce en quoi ils croient avec tout ce qu’ils affrontent comme difficultés dont la principale est l’expulsion vers leur pays d’origine, une manière de les livrer à l’Etat qui n’ a jamais cessé de les opprimer ,  une lourde responsabilité pour le pays responsable de l’expulsion et qui doit en assumer toutes les conséquences.

                                                                                  
OUMAR AMADOU

Imprimer   E-mail