L’opposition guinéenne dans la souricière

Opinions


Les principaux partis politiques de l’opposition, l’UFDG et l’UFR, viennent de suspendre leur participation aux travaux du comité de suivi, sous la houlette de la Primature.

Deux raisons essentielles motivent cette suspension:

1-Pour finaliser les élections communales et communautaires, premier objectif de la réunion, il faut se reporter aux résultats des élections. Or la CENI annonce ne pas avoir les résultats des élections communales passées par quartiers. L’Administration du territoire non plus.

2- La CENI refuse de suspendre les opérations d’enrôlement malgré les dysfonctionnements et de flagrantes tricheries constatées sur le terrain, notamment l’enrôlement des mineurs en Haute Guinée.

Comment peut-on être si naïf au point de croire, avec ce qui est en jeu aujourd’hui, que le pouvoir acceptera de céder sur ce qu’il a toujours refusé, à savoir, se séparer de ce qu’il considère comme son atout majeur dans la tricherie lors des élections. Dans un système de Parti-Etat, comme celui que Monsieur Alpha Condé à institué de fait en Guinée, les relais à la base (quartiers, CRD, communes, la gestion administrative des régions et préfectures) sont essentiels. « La Guinée est là où Sékou Touré l'a laissée ». Il ne faut jamais oublier cela.

En réalité le dialogue entre les partis politiques en Guinée nous concocte toujours d’autres conflits majeurs. Paradoxalement, seul le RPG semble avoir tiré des leçons de ces inutiles négociations qui ressemblaient plus à des retrouvailles entre bandes de coquins. La mouvance présidentielle a donc préféré envoyer a ce comité de suivi ses artisans de la 26ème heure.

Qu’espéraient-ils donc, Messieurs Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, de Messieurs Bah Ousmane qui a souillé l’œuvre de feu Siradiou DIALLO, et d’Abdoulaye Sylla, leur ancien porte-parole parti chez l’adversaire avec bagages et secrets? Il est vrai qu’il en avait assez d’être le porte-parole d’un chef très peu transparent. Beaucoup d’observateurs s’accordaient a dire que cette palabre sur la finalisation des élections communales ne servirait à rien; car l’essentiel se trouve maintenant ailleurs. Il est apparu pour tout le monde que faire passer une nouvelle constitution par référendum est désormais impossible. La mobilisation populaire contre cette initiative a brisé l’élan de la mouvance présidentielle. D’où la précipitation de Monsieur Alpha Condé à acter son plan B, celui des législatives afin d’obtenir une majorité écrasante à l’Assemblée Nationale pour faire passer sa nouvelle constitution pour le même objectif: le troisième mandat. Pendant que l’UFDG et l’UFR se laissent distraire par Kassory Fofana, les ténors du RPG et leurs alliés mouillent leurs chemises dans le pays profond pour réunir les conditions, même frauduleuses, leur permettant d’atteindre leur objectif initial: conserver le pouvoir. Le reste, on verra après, se disent-ils.

Monsieur Alpha Condé avait qualifié les leaders de l’opposition guinéenne de «nains politiques». Cela avait choqué plus d’un. Malheureusement, avec le temps, ce jugement apparaît aujourd’hui péremptoire. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il faut reconnaître que Monsieur Alpha Condé, sur ce point, avait vu juste. Il suffit de voir le parcours de notre opposition, le nombre d’erreurs politiques commises, leur manque d’anticipation et de stratégie. Cette histoire d’une nouvelle constitution vient de nous offrir une preuve éloquente de leur amateurisme en politique. Le diplôme ou la haute fonction administrative ne confère pas le sens ou le flair politique. On l’a ou on ne l’a pas.

En effet, il apparaissait clairement, dès au départ, que le glissement successif des échéances électorales, communales, puis législatives, entrait dans une stratégie conçue de longue date par Monsieur Alpha Condé. On se souviendra que quelques mois seulement après le début de son second mandat, un ballon d’essai fut lancé par l’intermédiaire d’un obscure fonctionnaire de police, militant du RPG, qui publiquement demandait un troisième mandat pour Monsieur Alpha Condé. La technique est bien connue: prendre le pouls de l’opinion publique, connaître sa réaction avant d’annoncer une importante décision. La sortie incongrue de ce fonctionnaire ne reçut que quelques moles protestations. L’assurance était donnée que le coup est jouable. Le fonctionnaire fut nommé conseiller à la Présidence.

Comme on le voit, l’objectif pour Monsieur Alpha Condé et le RPG-ARC, depuis toujours, reste le même: conquérir le pouvoir par tous les moyens et le conserver. Un appel à l’histoire politique de notre pays est indispensable pour comprendre les enjeux.

Monsieur Alpha Condé connaît mieux que quiconque comment fonctionne un régime démocratique, comme d’ailleurs une dictature. Si depuis son élection il n’a respecté aucune échéance électorale, aucun accord politique, et a constamment violé la constitution, la raison en est simple. Il est impossible de garder le pouvoir dans un système qui favorise l’alternance politique. Dans son camp nombreux sont ceux qui considèrent que le pouvoir politique en Guinée est un héritage ancestral qu’il faut à tout prix préserver. Pour ceux-là, la surprise de 1984 ne doit plus se reproduire. Le contexte international ayant changé, il faut toutefois entretenir un semblant de démocratie; à la Poutine. Pour réussir cette mission, il faut se concentrer sur l’objectif. C’est ce que fait le RPG-Arc.

Sur quoi l’opposition républicaine se concentre-t-elle? Les communales? les régionales? les législatives? la défense de la Constitution ou le troisième mandat? L’écartèlement est total. Sans compter que chaque chef de parti lorgne sur les présidentielles en se rasant le matin. Les longs couteaux sont pour le moment rangés dans leurs fourreaux. Ils ne tarderont pas à en sortir.

Par la faute donc de chefs politiques qui n’anticipent pas, qui sont sans aucune stratégie de conquête du pouvoir clairement définie, la souricière se referme lentement mais sûrement sur eux.

Le FNDC a réussi son pari. Il est désormais difficile voir impossible pour Monsieur Alpha Condé de proposer un référendum sur la nouvelle Constitution. Mais l’objectif visé, le troisième mandat, reste atteignable. Le FNDC mobilise certes des millions de personnes chaque semaine. Cela impressionne. Toutefois, ce monde ne sera pas au rendez-vous dans les urnes dans quelques semaines ou quelques mois. Le fichier électoral est la première clef du succès dans une élection. Or, celui que Maitre Kébé sortira de ses machines très prochainement sera encore plus puant que le précédent.

Pour desserrer le clapet de la souricière l’opposition doit se montrer conséquente et inflexible. Elle doit s’unir et s’entendre sur un ou deux objectifs bien définis :

1- renforcer les liens avec le FNDC jusqu’à la victoire finale.

2- conditionner sa participation aux élections législatives à l’assainissement complet du fichier électoral, à l’impartialité de la CENI, et assumer publiquement cette décision. Les élections législatives organisées dans les conditions actuelles ne seront ni transparentes ni loyales. La non-participation du collectif des principaux partis politiques de l’opposition à cette mascarade enlèverait ainsi toute légitimité à une Assemblée Nationale issue des urnes dans ces conditions.

Face à un adversaire politique qui ne recule devant rien, sauf le courage et une détermination politiques sans faille peuvent le faire fléchir.

Je sais, ceux qui ont pris goût aux honneurs et aux privilèges ne manqueront pas d’arguments et d’artifices pour essayer de convaincre leur parti politique d’aller aux élections, même dans le déshonneur.

L’autre courage politique serait d’écarter définitivement ces derniers.

Ansoumane CAMARA

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